Les Uns chez les Autres

                                   d’Alan Ayckbourn

Trois couples, trois hommes, trois collègues.
Les Fosters, les Philips et les Chestnutts sont représentatifs d’une bourgeoisie de classe moyenne. Ce qu’ils ont en commun, c’est qu’aucun d’eux n’est heureux. Fiona Foster et Bob Philips ont une relation amoureuse et les Chestnutts – couple un peu terne – ont la mauvaise idée d’accepter l’invitation à dîner chez les Foster, puis chez les Philips. Procédé original: la scène est ici divisée en deux, dévoilant simultanément deux soirées, deux mensonges différents, chez les uns et les autres. Un vaudeville anglais moderne…

Mise en scène : Gildas Bourdet

Avec : : Nathalie Blanc, Marie-Paule Kumps, Laurent Lafitte, Isabelle Paternotte, Philippe Résimont, Jean-Yves Roan

Coproduction ADAC (Association des Arts et de la Culture), Théâtre de l’Ouest Parisien (2004)

Presse

« Les uns chez les autres » à l’Auditorium 44 : les tendres moitiés d’Alain Ayckbourn

Trois questions à Marie-Paule Kumps, l’humour au sérieux

                                       CATHERINE MAKEREEL, envoyée spéciale à Paris

Alan Ayckbourn emmène le spectateur dîner chez les uns, les autres, chez tout le monde en même temps. Avec Gildas Bourdet comme maître queux.

Deux fois n’est pas coutume : après « L’amour est enfant de salaud » sur nos planches récemment, « Les uns chez les autres » nous fait goûter, une fois de plus, à la bonne dose d’humour british d’Ayckbourn, tout en dressant un cruel réquisitoire sur le mariage.

Trois hommes : Franck Foster, cadre supérieur, Bob Philips, son subordonné, et William Chestnutt, petit comptable de la même entreprise. Et bien sûr, leurs femmes, respectivement Fiona, Carol et Mary. Bob Philips et Fiona Foster ont une liaison et vont, dans un pathétique effort pour se couvrir mutuellement, entraîner dans leurs mensonges les innocents Chestnutt. Une intrigue d’autant plus alambiquée qu’elle se retrouve chamboulée par le décor d’Edouard Laug coagulant les meubles les uns dans les autres en une sorte d’appartement hybride, mi-classique chic (chez les Foster), mi-seventies hippies (chez les Philips).

C’est ainsi que le rire explose littéralement lorsqu’on assiste à deux dîners simultanés, chez les uns et chez les autres, à une soirée d’intervalle, tout cela en même temps et dans un même lieu. Confondant mais franchement amusant. Charge au spectateur de traquer les connexions entre les scènes dont les transitions sont subtilement mises en lumière par Jacky Lautem.

Le travail pointilliste de Gildas Bourdet concourt à faire de ces deux heures un moment de folie débridée mais minutieusement réglée, insufflant un rythme époustouflant dans lequel les comédiens se croisent et se frôlent au millimètre près sans jamais trébucher. Parmi les comédiens, tous ridiculement fagotés comme dans une vieille série américaine, citons l’excellent Philippe Résimont, menant le jeu en véritable maître de maison, et Marie-Paule Kumps, hilarante en mégère faussement coincée. Isabelle Paternotte complète ce trio belge décoiffant. Quant au dernier personnage, ni belge ni français, il est à la fois invisible et omniprésent. Par ses cris et ses couches-culottes que l’on balance entre deux injures, le bébé des Philips laisse un goût amer à cette farce conjugale, prouvant que les jeux des adultes sont parfois cruels.·

Trois questions à Marie-Paule Kumps

Ambassadrice du rire, la comédienne auteure met ses talents au service d’une création franco-belge prouvant que l’on peut construire un pont théâtral entre la France et la Belgique. Nous l’avons rencontrée au Théâtre de l’Ouest Parisien, première étape de cette aventure transfrontalière.

Pourquoi avoir choisi de faire partie de cette pièce ?

Ça fait du bien de changer un peu d’horizon. Et puis, il n’y a pas tant de travail que ça chez nous et des projets comme celui-ci permettent de se remettre en question en découvrant d’autres milieux.

On travaille différemment sur les scènes belges et parisiennes ?

On n’aborde pas la comédie de la même façon. Avec Gildas, tout s’enchaîne à un rythme hallucinant. Je n’ai jamais joué aussi vite de ma vie. Le travail d’acteur paraît aussi plus disciplinaire à Paris. Les metteurs en scène sont plus des gourous que des conseillers. Ils n’ont pas l’habitude que les comédiens se mêlent de la mise en scène ou prennent des initiatives dans le jeu. De manière générale, les gens se prennent beaucoup plus au sérieux, d’abord à cause de l’effet star parisien, mais surtout à cause de l’incroyable poids de la presse.

Le contact avec les acteurs français s’est bien passé ?

Je crois. En tout cas, certains échanges linguistiques n’ont pas manqué de nous faire rire. On leur a appris des expressions comme « Bouge ton pet ». Gildas a dû adapter la pièce à cause de la prononciation. On a transformé un « huit heures » dans le texte en « vingt heures » pour trancher entre le « houit » belge et le « huuuit » français ! Mais sincèrement, ça s’est bien passé !!

Le Soir, 15 février 2005


Publié

dans

par

Étiquettes :