Qui est monsieur Schmidt ?

de Sébastien Thiery

Un ovni en forme de point d’interrogation

La vie de M. et Mme Bélier bascule dans la quatrième dimension suite à une sonnerie de téléphone… Sébastien Thiéry n’a pas son pareil pour imposer, dès les premiers instants de la pièce, une idée forte et originale et il sait comme personne la décliner tout au long de sa comédie en y distillant, avec une fantaisie toute personnelle, du sens et du sentiment et ce, jusqu’au terme de l’action.

Mais derrière la maîtrise de l’auteur se cache un comédien qui n’oublie pas d’écrire pour des acteurs, et on sait qu’il est essentiel qu’une pièce provoque le plaisir du jeu, le bonheur d’interpréter. Ainsi, lorsque Sébastien Thiéry s’amuse à imposer à ses personnages des situations qu’eux seuls peuvent essayer de déjouer, il les laisse assumer leur sort en les regardant se débattre jusqu’à la limite de la rupture, alors le plaisir est total.

L’apparente irrationalité de la situation provoquée par Sébastien Thiéry ne doit en aucun cas prendre le pouvoir. Il s’agit, au contraire, à travers le jeu des comédiens et à travers l’espace scénique, de mettre en exergue un certain naturalisme afin d’éviter toute redondance, l’écueil étant de se laisser séduire par la forme empirique que nous impose le dramaturge au détriment du contenu. En effet, la question posée par l’auteur, « qui est monsieur Schmitt ? » – victime candide d’un monde qui lui échappe ou bien malade impuissant face à une névrose qui le dépasse ? – relève de la métaphysique et peut, selon l’imaginaire de tout un chacun, se prêter à une foule d’interprétations. Mais n’est-ce pas l’apanage des grands auteurs de laisser le spectateur face à son propre questionnement ?

Enfin, comme un dernier clin d’œil, notre auteur n’oublie pas qu’il y a quelques siècles, un grand dramaturge anglo-saxon laissait son héros, un certain danois, déclarer : « être ou ne pas être… ».

En effet, telle est la question !

Mise en scène : Bernard Cogniaux

Avec : Alain Leempoel, Thierry Janssen, Thierry De Coster et Térence Rion

Création du Théâtre Royal des Galeries (février  2012)

PRESSE

Juliette Goudot

Envie de rire de nos vies normales? Courez voir cette pièce qui bascule de la banalité à l’absurdité. On a adoré.

Le rideau s’ouvre. Un couple dîne dans son salon. Comme tous les soirs. Lui (Alain Leempoel) plutôt coriace, le coup de fourchette nerveux. Elle (géniale Marie-Paule Kumps) a l’air de s’emmerder. Un peu, mais quand même. Soudain, le téléphone sonne. Pourtant, Jean-Claude et Nicole Bélier – « les Bélier » comme les appellent leurs amis – n’ont pas le téléphone. Au bout du fil, on demande un certain Monsieur Schmitt…

L’irruption de l’étrange dans le quotidien vient alors dynamiter les idées toutes faites de ce couple bien sous tous rapports, pour le meilleur et pour le rire.

Plébiscitée à Paris, Qui est Monsieur Schmitt? de Sébastien Thiéry (très talentueux jeune auteur français) renouvelle la comédie de boulevard à la Joyeuses Pâques, mêlant habilement quiproquos et questions de fond. Mais qui est ce monsieur Schmitt, sinon monsieur Bélier lui-même? Dynamisée par l’arrivée d’un policier très terre à terre (Thierry Janssen) et d’un psychiatre retors (le très savoureux Thierry de Coster), la mise en scène de Bernard Cogniaux fonctionne sur des effets comiques imparables et sur de vraies trouvailles – quand le décor a-t-il bougé?

On a adoré se faire piéger dans les multiples identités de ce monsieur Schmitt qui marche à côté de ses pompes à force de vouloir mener une vie normale. Pour tous ceux qui ont envie de rire d’eux-mêmes et de nos vies toutes tracées, un traitement par l’absurde redoutablement efficace !

Télémoustique, 28/02/2012        


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