de Woody Allen
Un cocktail de cruautés ou comment la nature fait des merveilles.ADULTÈRES, mise en scène par MarcelDelval, est un recueil de trois courtes pièces en un acte, véritable cocktail de cruautés et de fiels qui explose les archétypes du couple bourgeois uni par l’argent, les affaires et la bienséance publique. Sexe, mensonges, aveux et trahisons de quinquas libidineux ou d’épouses insatisfaites sont au programme de cette comédie humaine à laquelle Woody Allen, le génie des névroses, donne une légèreté décapante. Parmi les trois pièces, deux seulement sont présentées.
Mise en scène : Marcel Delval
Avec : Avec : Bernard Cogniaux, Pierre Dherte, Alicia Frochisse, Hélène Theunissen, Joséphine de Renesse et Valéry Massion.
Création Théâtre Varia (septembre octobre 2011)
D’habitude, on n’aime pas verser dans le « people » mais il est un épisode de la vie de Woody Allen qui donne un relief croustillant à la pièce « Adultères ». Quand on sait que le réalisateur américain a épousé la fille adoptive de son ex-femme, Mia Farrow, on se dit que, forcément, le couple prend des contours assez retors dans son oeuvre. Prévision confirmée dans cette mise en scène de Marcel Delval qui plonge dans des eaux maritales tumultueuses, où les vagues de libidos entraînent quelques ressacs et naufrages.
Qu’on aime ou pas Woody Allen, il faut lui reconnaître un art de la réplique implacable, lui dont on a édité par paquets les répliques cultes. Même dans ses films, tout repose sur une maîtrise jouissive des dialogues. Alors, au théâtre, on ne peut que l’attendre avec gourmandise. On retrouve dans ces deux pièces en un acte tout ce qui compose la patte du petit homme à lunettes : un cadre new-yorkais bourgeois, un humour phallique, des conversations en forme de concours de répliques qui tuent, nonchalamment arrosées de martinis, des psys, des écrivains, du sexe et des mensonges. Tout y est ! Sauf peut-être, et ce n’est pas rien, le flair woody allenesque pour des atmosphères d’une élégance feutrée. Le metteur en scène mise plutôt sur l’aspect farcesque. Aucun flegme ici, les personnages, emmenés par des piles électriques comiques comme Marie-Paule Kumps, lorgnent carrément vers le vaudeville dans des histoires qui s’y prêtent, il faut l’avouer.
Dans Central Park West, on découvre l’appartement luxueux de Phyllis Riggs, psy de renom aux tendances castratrices. Femme libérée, elle apprend que son mari la quitte pour une autre. Elle est rejointe par son amie Carol, dont on découvrira vite les névroses identitaires. Au milieu des révélations et règlements de compte s’ajoute l’arrivée de Howard, le mari de Carole, écrivain raté et maniacodépressif, mais aussi du mari trompeur, champion des aveux délirants. Les blagues y sont volontiers rancies (« Quelle est la différence entre le sushi et le clitoris ? Le riz), les insultes plutôt crues (« Salope. On devrait exposer ton stérilet au musée d’art naturel »), et les situations métaphoriques comme cette statue de la fertilité qui perd son pénis dans la bagarre. Le rythme file à bonne allure, mais on reste sur sa faim. A part quand il évoque les gratte-ciels de Manhattan, l’écran géant écrase la scène plutôt que de la servir. Les comédiens sont en mode survolté, convoquant l’hystérie plutôt que la névrose. Si son gilet rappelle les mythiques tenues garçonnes d’Annie Hall, Hélène Theunissen n’atteint pas le charme de Diane Keaton.
Après l’entracte, on se retrouve autour d’un barbecue, perturbé par l’arrivée de deux envahissants inconnus, qui vont involontairement mettre à jour l’adultère de leur hôte. Trame plutôt classique qui change soudain de cap quand l’auteur débarque dans le salon, avouant ne pas savoir dans quelle direction continuer l’intrigue, emprunt à peine déguisé à Pirandello, mais qui tombe à plat ici. On retrouve la même artillerie de répliques tordantes (« A part le sexe, c’était platonique ») mais l’ensemble manque de consistance, et l’on se dit qu’on préfère définitivement Allen dans ses escapades aventureuses sur grand écran.